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Tribulations d'un écrivain en devenir.
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Tribulations d'un écrivain en devenir.
Tribulations d'un écrivain en devenir.
  • Le blog de Denis DANIELS Auteur, écrivain, scénariste? Rien de tout cela encore, mais bientôt! L'aventure difficile d'une première publication à travers mes écrits, mes chroniques, mes pensées, mes coups de cœur et de gueule.
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3 juin 2013

Chronique. Mon premier plateau Canal (partie 1).

Un mal grippal m’accueil au saut du lit. Mêlé à une légère gueule de bois, je l’avoue. J’ai froid. Je me sens faible. Mon estomac danse la salsa et mon cerveau jump sur de la techno hardcore. Je n’ai pas encore ouvert les yeux mais je sais déjà que la journée va être longue. Je me redresse péniblement et regarde autour de moi. Ça me fait toujours bizarre de me réveiller ailleurs que dans mon appartement. Je prends quelques instants pour me remettre les idées en place et me rappeler où je me trouve.

Je referme les yeux espérant apaiser mon mal de crane. Sans résultats…

 Ça me revient. Un hôtel à Paris. Aujourd’hui je suis invité dans une émission télé d’une grande chaine. Une très grande chaine payante même, Canal +. « Anal + » qu’on disait quand j’étais ado. Faut dire qu’à l’époque Canal nous offrait trois heures de pornographie hebdomadaire, à des heures reculées de la nuit, et le tout sans le son et avec une image brouillée. Sans internet, s’était la seule pornographie facilement accessible. Et on s’en contentait. On distinguait à peine un sein d’une tête, mais ça  suffisait pour nous exciter. La magie des hormones… J’en étais même conditionné à la fin : dés que je voyais quelque chose d’un peu flou, je choppais une demi-molle. Je peux vous dire que j’ai bien pris du plaisir avec la découverte de ma myopie.

Canal la classe, Canal la chique, Canal l’élégante. Canal, l’élite intellectuelle de la télévision française. La découvreuse de talents. Et moi je suis invité dans son émission far, à l’heure de la plus grande audience, pour parler de mon premier livre. Chaud comme début pour un premier plateau télé. Bien joué ! Je me sens malade, la tête dans le cul, et maintenant je flippe.

Je cours aux toilettes et essaie de vomir. Rien. Je prends deux aspirines, trois cafés et une douche. La migraine se calme doucement et le bide aussi. Le stress par contre ne fait qu’augmenter au fur et à mesure que l’heure approche. J’ai entendu dire que le meilleur remède contre la gueule de bois, c’était de combattre le mal par le mal, reboire dés le lendemain matin afin d’être de nouveau bourré, et pouvoir dessaouler peinard tout au long de la journée. Moi je crois plutôt que c’est un gros baratin d’ivrogne pour se donner du courage à la picole le lendemain d’une grosse tamponne. Mes défauts sont tragiques et mes qualités en pèlerinage. Je commande un taxi à la réception et me siffle deux bouteilles d’alcool du minibar en l’attendant. Quelques minutes de souffrance plus tard, substances médicamenteuses et alcoolisées se mélangent et font leur office. Je me sens un peu mieux. Toujours vaseux mais un peu plus détendu. Presque bien. Le taxi est là. Je fourre vite deux ou trois autres petites bouteilles ambrées dans mes poches pour la route, et direction le studio d’enregistrement.   

Le chauffeur de taxi s’entête à me faire la conversation comme si son pourboire allait dépendre de son bagou. J’écoute distraitement son flot de banalité et me contente d’acquiescer quand ça me parait approprié. Je commence à penser à l’interview. J’imagine une dizaines de questions possibles et une centaine de réponses. Et si ils décidaient de descendre mon livre en direct. J’ai déjà vu ça une fois ou deux à la télé : une jeune animateur aux dents longues, avide d’affirmer à ses spectateurs sa critique acerbe et son arrogance toute calculée, lapide verbalement son invité. Le pauvre, ne s’attendant pas à se faire agresser de la sorte par un hooligan en costume et armé d’un grand sourire, est complètement déstabilisé. Il tente maladroitement de se justifier face à des critiques et méchancetés à peine adoucies par les limites de la politesse et pour la plupart infondées. Le présentateur « vedette » continue ses passes d’armes, soutenu par ses invités et chroniqueurs ravis de participer à cette petite corrida. Le public s’y met et commence à se moquer et à huer ce malheureux. Seul contre tous et agressé de toute part, le gars fini forcément par pêter un câble et quitte le plateau en hurlant.  La mise à mort ? Dans les jours qui suivent, sa sortie théâtrale sera diffusée partout, et hors contexte bien entendu, afin de bien mettre l’accent sur son côté âne hystérique. L’antiquité avait ses jeux du Cirque. Nous nous avons des arènes médiatiques. Les lions ont été remplacés par des jeunes loups. Les victimes étaient coupables d’être différentes, maintenant penser différemment est suffisant. La seule chose qui n’a pas changé c’est la soif de sang de la foule.

Une embardée du taxi me sort de mes pensées paranoïaques. La circulation est plus dense, on doit approcher du studio. J’angoisse. Les percussions reprennent à l’arrière de mon front. Le chauffeur reprend son blabla. Je mets mes lunettes de soleil et vide une petite bouteille emportée à la sauvette. Il me semble qu’il vient de me poser une question. Mes oreilles me brulent, je dois faire de la température. Impossible de me concentrer sur ce qu’il me raconte. En guise de réponse je vide une deuxième bouteille et m’affale un peu plus dans mon siège, sans un mot. Il finit par comprendre que je ne suis pas en mode loquace. Malheureusement pour moi sa conduite devient plus rapide et plus brusque. Est-ce parce qu’il est frustré de mon refus de jouer à « Madame à l’écoute », ou  est-ce parce que j’ai la tête de quelqu’un qui risque de gerber dans son taxi d’un moment à l’autre ? Aucune idée. Mais à cause de lui, mon estomac se met à tanguer sévère. Je me maudis d’avoir pensé à emporter de l’alcool, mais pas d’aspirine.  Après d’interminables minutes à prier la gravité de me permettre de garder le contenu de mon estomac en place, nous arrivons finalement. L’air frais me fait le plus grand bien. Je paie le chauffeur de taxi en ravalant un dernier relent de bile.

Je cherche vingt minutes la bonne entrée, choisis la mauvaise et manque d’être expulsé par la sécurité. L’avantage, ou le problème, quand on est écrivain c’est que les gens n’ont pas forcément votre tronche en tête. Vous vous rendez compte que nous vivons dans un monde où l’on a plus de chance d’être reconnu si on est resté trente jours enfermé dans un loft à glander et faire la fête, que si on a écrit dix livres, ou même gagné un prix Nobel ! Peu importe. Le malentendu se dissipe après la vérification approfondie de mon identité, et je suis pris en charge par un grand maigrichon efféminé, beau costume belles lunettes. Le gars se présente, j’oublie son nom et je l’écoute me passer un peu de pommade en me demandant s’il serait capable de me trouver un médoc pour me retaper. J’ai toujours autant de mal à me concentrer. Une montée de fièvre me fait tourner la tête pendant que beau costume belles lunettes continue son blabla en me conduisant à ma loge. Décidément c’est la Sainte Pipelette aujourd’hui… Je finis par comprendre qu’il est en charge du confort des invités de l’émission. J’ai envie de lui répondre « alors ta gueule !» mais me contente de sourire.

Après d’interminables couloirs et tournant ayant raison du peu de sens de l’orientation qu’il me reste, nous arrivons enfin dans ma loge, privée avec salle de bain, minibar et j’en passe. J’ai été con de prendre une chambre d’hôtel, j’aurais du dormir ici. Après m’avoir fait faire le tour du propriétaire, beau costumes belles lunettes essaie gentiment de me briefer :

-  Surtout sur le plateau, n’ayez pas peur d’être vous-même. Le public adore le côté rebelle et tourmenté des écrivains modernes. Et si vous êtes un peu saoul ce n’est pas grave. Bien au contraire, les gens en raffolent. D’ailleurs il y a toutes les boissons que vous désirez au frais, dans le frigo de votre loge.

J’ai envie de lui dire de faire une boule de ses gros clichés, de poser ses lunettes dessus, et de fourrer le tout dans un endroit qui ne verra plus jamais le soleil. Je me contente de :

- On verra c’qu’on peut faire... Vous pourriez me trouver un truc pour la tête ou l’estomac, un truc assez costaud pour que je puisse tenir toute l’émission, j’ai choppé une sale crève.

- Vous voulez de la cocaïne ?

- Oui bien sûr, trois kilos. Ajoutez aussi une baignoire d’absinthe et un car de putes.

- Pardon monsieur ?!

- Laissez tomber. Un truc du genre légal c’est faisable ?

- Je vais voir ce que je peux faire. Installez-vous confortablement et servez-vous un verre. Je viendrai personnellement vous chercher quand ce sera à vous.

Dix minutes plus tard toujours pas de médoc. Ça tape et ça tourne toujours. Fièvre. Sueurs froides. Pas bien. Je prends un verre de whiskey. Ça calme un peu. J’en prends un deuxième. Ça calme mieux. Le temps passe. L’heure approche. Anxiété. Je cogite de nouveau à plein régime. Allez, un troisième et dernier verre. Stress toujours. Encore deux derniers verres. Assis sur mon fauteuil VIP Je me dis que je commence à être un peu bourré. Je souris. Un peu bourré mais détendu. On toque, beau costume belles lunettes rentre.

- C’est l’heure.

Je me lève. Maintenant je me dis que je ne suis pas qu’un peu bourré.

- Au fait, merci pour le médoc.

Il me fait un grand sourire en ajoutant un petit « oups » amusé. Il me fait signe de le suivre. Je rumine. Beau costume belles lunettes s’est bien foutu de ma gueule. Nouveau labyrinthe de couloirs, menant cette fois directement jusqu’au studio d’enregistrement.

Petites consignes dans les coulisses contre les aléas du direct et on me plante au bord du plateau. On m’explique en deux secondes où je dois aller quand on appelle mon nom, et me voila seul. Le moment est imminent. Angoisse à son paroxysme. Je me rends compte que j’entends ce qu’il se dit sur le plateau quand une violente nausée m’assaille. Rapide coup d’œil autour de moi et je me saisis d’une corbeille en plastique. J’en fixe le fond, espérant ne pas remplir ce vide avec mes tripes quand des mots familiers attirent mon attention… livre… écrivain…

Je me ressaisis, frappé par un bref éclair de lucidité. Ça va être à moi. J’enrage de plus belle de ne pas avoir eu cette saloperie de médicament. Beau costume belles lunettes, tu veux du spectacle ? Tu vas en avoir pour ton argent. Et je vais te la faire façon express. J’enfile mes lunettes de soleil pour ne pas qu’on voit me regard « fatigué ». Malade, bourré, furibard et bien décidé à en finir au plus vite, c’est comme cela que j’entre en scène, la corbeille toujours à la main, au son de :

- Mesdames et Messieurs merci d’accueillir DANIELS Denis !

  

Fin partie 1. 

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