Chronique : du "geek chic" au "geek choc"

Je crois que je suis né geek. A huit ans déjà, je montais sur ma bicyclette (un magnifique BMX jaune et bleu) et je me tapais quinze bornes pour squatter chez mon grand cousin, dans l’espoir de faire une partie de jeux vidéo sur son splendide Atari. Plus tard il a eu un Commodore 64. Alors moi j’ai continué de squatter. Encore plus tard il a eu un commodore 128. Bien entendu, j’ai continué de lui tenir la jambe. Finalement j’ai eu ma propre console, La Nintendo. Pas de chiffres après le nom à l’époque, pas de bits, de super, giga ou ultra. On disait juste « La Nintendo ». Une vraie révolution pour moi. Mon cousin aussi a du être content, maintenant que j’y repense…

Aujourd’hui le phénomène "geek chic" est clairement implanté dans notre société. Quoi de plus cool que d’avoir tout les derniers gadgets Appel, quand avec la même somme investie on pourrait nourrir tout un village du tiers monde pendant un an ? De mon temps par contre, on pouvait plutôt parler du phénomène « geek claque ». En gros si t’étais un geek, tu te mangeais des claques. Quand mes potes draguaient des filles, moi je sauvais la princesse Zelda. Quand ils faisaient du sport, je découvrais la série des « FIFA ». Et quand ils sortaient en boite, je mettais deux heures pour télécharger deux malheureuses minutes de porno à peine excitant. Même pas assez pour s’astiquer. Pour d’autres cela suffisait : probablement une belle génération d’éjaculateurs précoces grâce à l’internet bas débit. On ne peut pas dire que c’était la grande époque.  

Et puis ça m’est passé tout ça. Petit à petit le métro-boulot-dodo a remplacé le Mario-Guitare Hero-MMO (Massive Multiplayer Online). Mais si j’ai arrêté de m’intéresser à la technologie, la technologie avait bien assez d’adeptes pour continuer de l’alimenter et de la faire se développer. Et quelle croissance! J’aurais du m’y intéresser plus souvent parce que là, je ne l’ai pas vue grandir la petite. Alors j’ai décidé de m’y remettre.

J’ai acheté une console récente et plusieurs jeux. Visuellement je me suis pris une claque dans la gueule. Médicalement j’ai failli faire trois infarctus et deux crises d’épilepsie. Ça saute, ça tire, ça se bat non-stop, même pendant les cinématiques il faut appuyer sur des touches bien déterminées sinon c’est le game-over. Je me suis dit que j’avais passé l’âge de ce genre de jeux stressants, je suis allez dans une boutique spécialisée et ai expliqué mon problème à un revendeur. Il m’a conseillé un autre jeu, je l’ai acheté. Après avoir joué trente minutes avec, je me suis rendu compte que s’était un jeu pour les gosses. J’ai de nouveau laissé tomber les jeux vidéo. J’ai acheté un Smartphone pour dire de m’y mettre aussi. Ça fait un mois et je n’arrive toujours pas à télécharger d’applications. Quand je pense que Smartphone veut dire téléphone intelligent, c’est clair qu’il l’est bien assez pour se foutre de ma poire en tout cas. Je me suis mis au PC portable, j’ai du m’acheter une souris car je ne m’en sortais pas avec le pavé tactile. D’ailleurs je ne suis même pas sûr que ça s’appelle comme ça.  J’ai regardé un épisode de the Big Bang Théory. Je n’ai pas pigé la moitié des références.

Finalement je me suis dit qu’il me fallait au minimum un truc avec une pomme dessus, le truc dont tout le monde parle quoi. Je suis allé dans une boutique, j’ai vu les prix, j’ai lâché l’affaire. En sortant de là, je me suis fumé une clope sur le trottoir histoire de décompresser. Je me suis dit « punaise ce que c’est chic d’être un geek de nos jours ». Et je me suis soudain rendu compte que je n’étais plus un geek, ça m’a fait un choc. Un ado est sorti du magasin avec un paquet sous le bras. Je lui ai demandé : « c’est le dernier IPhone ? ». Il m’a répondu oui avec un grand sourire. Je lui ai foutu une grosse claque dans la tronche et je me suis barré, le laissant avec son joujou et son air stupéfait.

Je ne pu m’empêcher de sourire…

Les geeks et moi, nous sommes quittes maintenant.

FIN