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Tribulations d'un écrivain en devenir.
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Tribulations d'un écrivain en devenir.
  • Le blog de Denis DANIELS Auteur, écrivain, scénariste? Rien de tout cela encore, mais bientôt! L'aventure difficile d'une première publication à travers mes écrits, mes chroniques, mes pensées, mes coups de cœur et de gueule.
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24 février 2014

Sainte Marie-Josiane

Marie-Josiane était une femme sans âge, avec juste assez d’amabilité pour ne pas faire fuir la clientèle de la petite épicerie du village qu’elle tenait depuis toujours. Trente ? Quarante ? Cinquante ans peut-être? Allez savoir quand vous avez en face de vous une femme d’un mètre quatre-vingt-cinq et pesant une bonne centaine de kilos. Si ce n’était que ça… Marie-Josiane avait un goût immodéré pour les vêtements amples, unis et sombres. Par contre elle détestait se coiffer, et se contentait souvent d’attacher vaguement ses longs cheveux sombres et gras avec une simple ficelle. Elle avait un visage prononcé, des traits anguleux, un regard perçant et vous parlait avec la finesse d’un tracteur. Marie-Josiane était déjà là quand j’étais petit, et déjà à l’époque elle n’avait aucun mal à nous sortir, mes amis et moi, à grands coups de jurons et de de pieds dans les fesses. Maintenant je suis adulte, et c’est à peine si elle a pris quelques cheveux blancs. Elle soulève encore ses marchandises à bout de bras avec autant de facilité que si elle vendait des oreillers. C’est comme si rien ne changeait dans cette épicerie. Même sa solitude ne semblait pas vouloir la changer.

Et pourtant un jour elle changea. Marie Josiane tomba enceinte. Bien sûr tout le monde lui demanda qui était le père. Elle répondait systématiquement : « Si la vierge Marie n’a pas eu besoin d’hommes pour tomber enceinte, Marie Josiane non plus ! ». Les rumeurs allèrent bon train, mais au final elles s’estompèrent rapidement. Qui se souciait réellement de Marie Josiane ?

L’épicerie ferma à peine une semaine pour l’accouchement, et elle reprit son travail avec des pleurs de bébé comme musique de fond. C’était une fille. Quand quelqu’un lui demandait comment elle l’avait appelée, elle répondait invariablement la même chose : « Elle s’appelle Marie-Jo, c’est Marie-Josiane mais en plus petit! ». Et invariablement elle ponctuait sa phrase d’un sourire étrange qui vous mettait mal à l’aise. La petite grandi vite, très vite : à un an elle gambadait déjà au milieu des clients en mangeant de la saucisse crue, rien de tel pour lui donner des forces d’après sa mère. A deux ans elle en paraissait trois, et à trois elle en paraissait six. Plus elle grandissait, et plus elle ressemblait à sa génitrice. A croire qu’elle l’avait vraiment fait toute seule, comme si l’ADN de Marie-Josiane n’avait pas été pollué par un autre ADN, et implanté tel quel dans sa fille. «C’est Marie-Josiane mais en plus petit… ».

Les années passèrent et Marie-Jo grandi de plus en plus vite. Un problème de croissance d’après les médecins. Marie-Josiane elle ne bougeait pas, si ce n’est que ses cheveux grisonnaient. Forcément la petite attrapa le même ton bourru et les mêmes expressions que sa mère. Il faut dire qu’elle ne fréquentait pas beaucoup de monde, Marie-Josiane ayant  préféré la déscolariser vu sa maladie. En fait, je crois même qu’elle n’a jamais été à l’école de sa vie. C’est quand Marie-Jo atteint sa taille adulte, aux alentours de dix ans, et qu’elle dépassa sa maman, qu’on remarqua que Marie-Josiane commençait à se vouter. L’âge la rattrapait finalement et ses cheveux virèrent du gris au blanc les années qui suivirent.  Marie-Jo tenait la boutique de plus en plus souvent toute seule. A quinze ans elle était parfaitement autonome. C’est d’ailleurs elle qui faisait tourner les affaires maintenant, la santé de sa mère se détériorant rapidement.

Puis un beau jour Marie-Josiane mourut, laissant  les rênes à Marie-Jo, la même mais en plus petit. Il y a bien longtemps de cela maintenant. La vie depuis a repris son cours et Marie-Jo travaille toujours dans sa petite épicerie, toujours semblable et fidèle à elle-même. Personne ne se rappelle de son âge exact, mais comme sa mère, le temps ne semble pas vraiment avoir d’emprise sur elle. Il y en a qui ont vraiment de la chance. Moi je suis trop vieux maintenant pour me souvenir de tout. Pourquoi je vous raconte tout cela d’ailleurs ?... Ah oui, j’oubliais, et bien vous ne connaissez pas la dernière ? Il parait que Marie-Jo, la grande de l’épicerie, et bien elle est enceinte ! 

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